Voyage en Allemagne, dans une suite de lettre.

Par M. le Baron de Riesbeck.

Á Paris 1788. I-II. II. 68-72. old.

 

Peu de temps apres mon arrivée, je fis une partie de plaiser au Château du comte d'Esterhazy, quil est situé a une journée de Presbourg. Sans doute vous connoissez ce château d'aprés les voyages de Moore. Il n'y a point de lieu en France, excepté Versailles, qui soit aussi magnifique. Le château est d'une grandeuer immense, et rempli de tout ce qu'il u a de plus précieux. Le jardin offre l'assamblage de tout ce que l'esprit humain a pu jamais imaginer pour embeller ou défiguret la nature. Divers pavillons ressemblent aux demeures des fées, et chaque objet est si fort au-dessus de ce qu'on voit ordinairement, que vous croyez rëver in les contemplant. Je n'essayerait pas de vous donner une description exacte de ce que j'ai vu dans ce lieu, mais j'observerrai seulement qu'aux yeux de quelqu'un qui ne se donne pas pour un connoisseur, il paroissoit y avoir trop de richesse entassées. Je me rapelle que sua les mers d'une sala terrina on voit peintes des figures de douze pieds de haut, qui a un ignorant comme moi parurent trop grandes pour la hauteur de salon. Je sais que vous ëtes partisan du grande style, et je me ressouviens de tout ce que vous rebattiez a mes oreilles touchant les belles formes de l'école romaine, mais je crois que si vous aviez été avec moi dans ce salon, vous auriez trouvé ce style de peinture trop élevé.

Ce que rend la magnificence de ce lieu encore plus frappante c'est le contraste extraordinaire qu'elle fait avec le pays des environs. Le lac de Neusiedler, qui n'est pas loin du château, forme un grand marais qui s'étend l'espace de plusieurs milles, et menace d'ensevelir sous l'eau ce grand édifice, comme il a déjá couvert une grande partie du pays, qui était trés fertile. Les habitans de cette contrée ressemblent a embellir sin château, auroit suffi non seulement a dessécher les marais, mais encore a prendre sur le lac une grande portion de terrein. Comme il augmente chaque jour, il y a lieu de craindre qu'il ne codurve entiérement les terres basses. Le seul moyen de prévenir ce malheur feroit de faire un canal de communication avec le Danube, entreprise qui feroit plus d,honneur au prince que toutes les pompeuses bagatelles qui on été l'object de ses dépenses.

Quelque mal-sain soit le pays, particuliérement dans le printems et dans l'hiver, et quoique le prince lui-meme soit souvent attaqué de la fiévre, il est fermement persuadé qu'il n'y a point de pays sous le soleil plus beau et plus salubre. Son château est presque désert, et il ne voit que des vassaux ou des étrangers, qui viennent pour en admirer les curiosités. Le prince a un théatre de marionettes qui est réellement extraordinaire dans son genre, car les marionettes exécutent des operas entiers. Vous étes incertain si vous devez admiret ou rire de voir la Didone, ou Alceste albivic, jouées par des marionettes. L'orchestre est le meilleur que j'aie jamais entendu. Le grand Haydn est sa sompositeur, et il a a son service un poëte qui réussit assez souvent. Les décorateurs sont des gens a talens; en un mot le sujet est petit, mais les accessoires sont grands. Le prince engage souvent une compagnie de comédieens ambilans pour jouer chez lui l'espace d'un mois, et ses domestiques avec leur maitre composent seuls tout l'auditoire. Ces messieurs paroissent sur le theâtre avec leura cheveux relevés autour des oreilles, et avec les habits qu'un fort errant leur a permis de se procurer; mais tout cela va fort bien, car le prince n'est pas passionné pour les grans mouvemens tragique, mais au contraire il se plait a toutes les pieces impromptu qu'ils s'avisent de jouer, ou qu'on leur demande. Ce prince a aussi une compagnie de gardes compossée de fort beaux hommes. Jes fus extrémement fâché de ne pouvoir pas voir le fameux Haydn, qui le prince lui a donné la permission de faire un voyage en Angleterre, en France et en Espagne, il y sera recu comme il le mérite, et il reviendra probablement chez lui la bourse bien remplie. Il a un frere, qui est maitre de chapelle a Strasbourg, cet homme a autant de génie que Haydn lui-meme, mais il n'a pas assez d'industrie pour parvenir au mem degré de réputation.m